ArcInfo 25.03.24 : « Boudry: un collectif s’est emparé illégalement de terres agricoles inexploitées »

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Laissons-les planter; ouvrir tout le champ des possibles; partager la production

Accéder à la terre collectivement n’est ni commun dans le monde agricole ni encouragé politiquement et juridiquement. Pourtant de plus en plus de projets collectifs voient le jour dans notre pays.

Cette volonté d’accéder à la terre s’inscrit dans un mouvement agroécologique porté depuis plus de 25 ans par le mouvement international La Via Campesina (LVC), représenté en Suisse par Uniterre. L’agroécologie est largement considérée comme une méthode de culture durable, adaptée aux conditions locales, une science, un mouvement social créateur d’emplois et d’entraide.

Samedi 23 mars, le nouveau collectif des  » Hirondelles  » investissait une maison vide depuis plusieurs années, entourée de bonnes terres agricoles, située sur la commune de Boudry. Le collectif a monté un tunnel, semé, planté. Leur objectif est de produire des légumes et des fruits.

En tant que membre fondateur de Via Campesina en 1993 à Mons, je soutiens les objectifs du collectif qui a engagé des négociations avec les propriétaires du lieu.

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Avec l’arrivée du printemps, les tracteurs sont retournés dans les champs. La révolte paysanne s’exprime à bas bruit. L’ampleur de la mobilisation a révélé un profond mal-être. Ce sentiment est particulièrement ressenti par les jeunes en âge de reprendre le domaine. Ils hésitent à s’engager. Dans ce milieu paysan traditionnel qui est capable de s’adapter à l’innovation, l’idéal du métier s’est terni par une insuffisance chronique du revenu, le fardeau de l’endettement, un manque de reconnaissance ainsi que la paperasse.

Une majorité des manifestant-e-s bute sur les mesures prises pour transiter vers une agriculture qui respecte le vivant. Ce front du refus a été entendu à Bruxelles et à Berne, dans une moindre mesure. Des dispositions deviendront moins contraignantes. Dans un premier temps, ce recul de l’autorité peut être considéré comme une victoire des révoltes paysannes. À long terme, ce sont les industries agroalimentaires et agrochimiques qui seront les seules vraies gagnantes. La politique agricole ainsi revisitée ne garantit plus une incitation réelle à la transition écologique.

Plus étonnant, ce front du refus est composé en majorité d’éleveurs et de cultivateurs qui ont quasi fait tout juste dans le segment productiviste, sans parvenir durablement à maintenir des prix équitables. Persister dans le modèle intensif, c’est programmer des excédents sectoriels si le dérèglement climatique ne vient pas perturber le business.

La biodiversité, tout comme la fertilité naturelle des sols, attendra encore des jours meilleurs.

À l’autre bout du champ, des jeunes, pour la plupart non issu du monde paysan, souhaitent choisir un mode de vie, un métier qui participent à leur idéal. Ils aspirent à cultiver la terre en collectivité selon les exigences de l’agroécologie. Elles/ils expérimentent, se forment dans des filières nouvelles, programmées aussi dans les écoles d’agriculture officielles. La volée qui vient de se terminer compte 16 apprenant-es. La nouvelle en comptera 22.

L’agroécologie ne date pas d’aujourd’hui. Elle trace son chemin depuis des décennies dans le milieu paysan traditionnel. L’agriculture biologique est reconnue, elle a pris place dans l’officialité, elle a ses lois, ses ordonnances, ses règlements et son cahier des charges. Elle n’en reste pas là, elle innove, diversifie par la permaculture, l’agroforesterie ou le retour à la polyculture- élevage. Sans viser une reconnaissance par un label, des agriculteurs-trices portent une attention permanente à la fertilité naturelle des terres par des pratiques culturales appropriées. C’est plutôt bien senti lorsque 90 % de notre alimentation dépend des sols.

Deux approches différentes face à la nécessité de transiter vers une agriculture durable. L’une plus conservatrice qui avance en tentant de concilier l’acquis tout en intégrant un peu d’écologie à pas mesurés. L’autre plus radicale, l’agroécologie s’impose, elle doit être l’objectif. C’est ma conviction. Produire des denrées alimentaires saines tout en favorisant la biodiversité, la vie des sols et la qualité de l’eau requiert plus de main-d’œuvre, bien formée et équitablement rémunérée. Le dérèglement climatique qui se confirme souligne l’urgence. Cette dernière et sérieuse alerte nous incite à considérer tout le champ des possibles.

Fernand Cuche
Lignières, le 10 avril 2024

Références :

 – Accès collectif à la terre en Suisse. Uniterre
– Chronique de David Hiler, ancien Conseiller d’État vert, Genève  Le Temps.4.4.2024

Pour signer la Tribune de soutien du collectif « Les Hirondelles »

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