OUI à Initiative contre l’élevage intensif (votations du 25 septembre 2022)

Préfiguration de notre alimentation face au dérèglement climatique.

Pour produire un maximum de viande en un minimum de temps sur une surface réduite, avec des aliments concentrés importés, nous avons fait fort, jusqu’à la tentation de l’hormone de croissance, fort heureusement interdite chez nous et dans l’UE. C’était le grand boum de la production carnée hors-sol. Dans les années 70, la porcherie Coop-Bell à Chavornay comptait 6000 places de porcs, pour Migros, idem à Chesalles-sur-Moudon. Les agriculteurs des alentours étaient invités à se servir du lisier pour leurs terres. Des éleveurs-entrepreneurs n’étaient pas en reste, ils ont construit de grandes porcheries industrielles. Le lisier coulait en abondance dans plusieurs régions du pays. Pour éviter une pollution généralisée des eaux, les autorités fédérales décident d’un plan d’action qui, entre autres, met à disposition plusieurs millions pour fermer les grandes porcheries. Coop et Migros se retrouveront parmi les heureux bénéficiaires de cette manne fédérale.

Dans cette saga de la production carnée intensive, cet épisode est le plus marquant. D’autres mesures devront être prises par la suite pour calmer les appétits insatiables de la production industrielle. À la préservation de biens vitaux comme la qualité de l’eau, la biodiversité et d’écosystèmes particulièrement fragiles, s’est ajoutée ces dernières années une dimension éthique sur la détention des animaux de rente. L’initiative soumise au peuple le 25 septembre prochain intègre cette dimension.

Coïncidences ou pas, elle préfigure les nouvelles priorités de l’alimentation pour l’humanité face au dérèglement climatique, dont les conséquences nous incitent, nous contraient à diminuer drastiquement notre consommation de viande. Il en va de notre sécurité alimentaire ; en consommant prioritairement des protéines d’origine végétale, en cultivant prioritairement des légumineuses, des pommes de terre, des légumes, des céréales, des haricots pour la consommation humaine plutôt que pour nourrir le bétail, le degré d’autosuffisance augmente. De plus, les plantes absorbent le CO2 et stockent le carbone dans le sol. Les légumineuses se chargent gratuitement de fixer l’azote, un engrais important pour les rendements, d’autant plus précieux que sa fabrication sous forme synthétique consomme du pétrole ou du gaz en grande quantité. Un engrais du commerce dont le prix le place aujourd’hui dans les produits de luxe… Pour les pâturages, les terrains en pente, vallonnés et les alpages, le bétail continuera de mettre en valeur ces surfaces non cultivables.

Il nous faut sans tarder transformer nos systèmes alimentaires pour transiter vers une agriculture plus diversifiée et durable, mettre le cap sur l’agroécologie. L’acceptation de l’initiative provoquerait un sérieux coup d’accélérateur pour lancer la grande réforme qui s’impose, face à laquelle les autorités fédérales tergiversent. Elle apporterait une légitimité populaire pour tous les acteurs concernés, de la recherche agronomique à la consommation réfléchie et responsable de biens alimentaires. Face aux événements climatiques extrêmes que nous vivons partout dans le monde depuis le début de l’année, acceptons cette initiative, même si elle ne n’englobe pas globalement à tous les autres moyens à mettre en œuvre pour cette transition. Cette tâche incombe à la Confédération et aux organisations agricoles pour accompagner la paysannerie vers des modes de production durables. Compte tenu du délai de transition pour sa mise en œuvre de 25 ans et la prise en considération des exigences actuelles de Bio suisse concernant la dignité des animaux de rentes, cette initiative ne peut être qualifiée d’extrême !

Fernand Cuche
Lignières, le 31 août 2022

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